HRP - Récit (3)
Jour 14
Les nuages d'hier soir sont revenus. Mais pour mon plus grand bonheur. Ils viennent parfaire ce tableau matinal, alors que le soleil, ouvrant à peine l'oeil, vient embraser les remparts du Mont-Perdu. Un des plus beaux réveils de ma traversée, vraiment.
Oups, d'ailleurs, mon duvet est en train d'éponger toute la condensation de l'abri. Allez, rangement, pti-déj tranquille pour laisser aux nuages le temps de se dissiper, et go.
On se met en direction de la cheminée. A ma plus grande stupeur, on trouve ici des Edelweiss! Moi qui ne les croyais qu'alpins, ils sont superbes, bien plus épanouis que les seuls Edelweiss que j'avais vus jusque là, dans le Vercors.
Les nuages ne semblent pas décidés à partir. On se rapproche de la cheminée, qu'on distingue de mieux en mieux, en plein sur la diagonale de la photo, au-dessus des terrasses dans les éboulis.
Finalement, avec de bonnes conditions (pas trop chaud, pas de pluie), ça se fait très bien, et mes deux compagnons, pas grimpeurs du tout selon eux, s'en sortent très bien.
Fred s'arrête là, Yohann fait l'aller-retour avec moi jusqu'au col, pour "boucler la boucle" (ils y étaient il y a deux jours mais sont redescendus par Anisclo).
Quelques pas sur la neige, puis sur le calcaire et on y est presque.
L'éboulis de la fin est vraiment dangereux et chiant (pour le coup le mot est vraiment approprié). Très raide, des pierres qui partent tous les 10 pas, faut faire gaffe. On croise un jeune, seul, super chargé, qui n'a vraiment pas l'air à l'aise. Pourtant en descente dans un éboulis avec des grosses chaussures, y'a rien de mieux!
Au col, très venté, je salue Yohann qui me donne quelques indications bien utiles pour rejoindre le lac gelé (Ibon Helado). Bien utiles, car je suis dans le brouillard complet. Il y a apparemment une petite barre à passer, faut trouver le bon endroit pour la désescalader, là où c'est le moins raide...
Finalement je m'en sors. Je descends, tout seul, je ne vois pas à 20m. J'entends soudain des voix. Un coup de vent, et hop, tout se découvre. En bas, des dizaines d'espagnols font une pause avant l'ascension finale.
Je rejoins la lac gelé d'où part la voie normale du Mont-Perdu. De temps en temps la vue se dégage.
La montée n'est vraiment pas agréable sur le deuxième tiers, dans les éboulis. C'est raide, on fait deux pas on descend d'un. Y'a du monde...
Et puis le sommet arrive. J'ai la grosse banane, même si je ne vois pratiquement que du nuage. Je suis sur le 4ième sommet Pyrénéen, 3350m. Ça n'a rien d'un exploit, c'est un sommet facile, mais je suis content d'être là :) Je mange un bout en attendant que la vue se dégage. Ouais! La vue sur le col, le balcon, et la brèche de Tuquerouille!
Allez, 11h30, il est temps de descendre, ça grouille ici. Belle éclaircie encore, je repère le chemin qu'il me faut prendre pour contourner le Cylindre. Il me faut traverser le névé, en face à gauche. A droite, on voit bien la petite barre qu'il m'a fallu passer en descendant du col.
De retour à l'Ibon Helado, les espagnols descendent vers Goritz tandis que je fais le tour, à flanc, du Cylindre. Une fois le névé vu d'en-haut derrière moi, le marboré apparaît. Je dois continuer tout droit en face, sur les terrasses!
Et me voilà de l'autre côté, après quelques petits sauts d'étages en étages. Le chemin est bien cairné, pas de difficulté à le suivre.
J'évolue maintenant dans le brouillard, alors que le chemin devient plus gazeux, juste sous la Tour. Je loupe un cairn et commence à monter trop haut, vers la Tour. Quelques pas à arrière me font me rendre compte pourquoi j'ai loupé le passage: il fallait descendre une petite cheminée pour accéder à l'étage du dessous. Pas engageant de loin, mais facile. Au-dessus de moi, c'est presque vertical, à droite, 30m de vide me séparent de la neige.
Le chemin se resserre encore quelques pas plus loin. C'est facile, ça reste de la rando, mais il n'est pas recommandé de trébucher. Le fameux pied sûr.
Je dois rejoindre le névé en-dessous, qui vient lécher la paroi. Il est raide et marcher dessus s’avérerait scabreux. Je préfère descendre en traversant en bloc, sur 5-6m, à 2m au-dessus du névé, pour rejoindre le couloir de fonte entre la paroi et le névé. Peu de prises, un peu chaud mais ouf ça passe.
Je reviens sur la neige pour descendre chercher le Pas des Isards. Quelques névés pentus me font sortir le piolet.
J'arrive sous le casque, la vue se dégage. Un gars (à droite sur la crête) me demande si le chemin est bon. Il est avec sa femme, il hésite. Chaussures rigides mais pas de crampons. Il renonce finalement, voyant la quantité de neige.
Le Pas des Isards n'est qu'une formalité après ces 2h30 de progression depuis le Ibon Helado. La brèche de Roland apparaît, occupée par un groupe d'espagnols!
Le temps d'y arriver, ils sont déjà tous partis, je me restaure à côté d'une famille qui redescend du casque. Des gens bien aguerris :)
Descente en ramasse jusqu'au refuge des Sarradets, et je repars dans le brouillard jusqu'au Port de Boucharo, avant de continuer sur la crête jusqu'au Pic de St André, sur la frontière franco-espagnole. Le brouillard est là pour rappeler de quel côté on se situe.
Petite vue sympathique, avant de plonger dans la brume.
La descente n'est pas des plus mémorables. Du gispet mouillé tout le long, je ne vois pas à 20m, aucun repère pour s'orienter. Je trouve le sentier, je le perds, le retrouve 10min plus tard. Je fais pratiquement tout au GPS. Je rejoins enfin le GR10, qui arrive de Gavarnie. Une forme se dessine dans le brouillard.
Non, pas la vache, mais la cabane derrière. Content à l'idée de pouvoir enlever mes souliers trempés par le gispet, j'y entre. C'est sale, la cheminée est pleine d'ordures. Là, je préfère encore dormir dehors...
Je décide de pousser jusqu'à la cabane de Lourdes. Son nom est bien choisi, elle s'avère être en bien meilleur état!
Fin de la journée à 19h, j'ai mon compte. Malgré la faible visibilité, c'était quand même une super journée :)
Parcours: 23km, 1600m D+, 2200m D-
Jour 15
J'ai bien dormi au sec, mais dehors l'air comme le sol sont très humides. Je démarre comme un vieux diesel, raide comme un bâton et avec des pieds gelés, peinant à réchauffer mes chaussons trempés. Ce n'est que passé le barrage d'Ossoue, dans les 900m de D+ qui mènent à Baysellance, que je commence à sécher. Bel aperçu sur la crête du Montferrat et le sommet lui-même.
En fait depuis Baysellance, on ne voit pas grand chose du glacier d'Ossoue. On aperçoit le Petit Vignemale et la Pique Longue derrière. Plutôt que de rejoindre la Hourquette d'Ossoue par le chemin classique, je pars hors sentier vers la crête au-dessus pour avoir un peu plus de vue. Je retombe rapidement sur un chemin cairné. La vue de là-haut est plus intéressante, on peut y voir deux cordées qui enchaînent des zig-zag sur le côté est du glacier (voie normale).
Direction la Hourquette en ligne de niveau, pause séchage et énergie. Beau panorama avec vue sur mon itinéraire de la journée, Col des Mulets et Grande Fache. Je vois passer un sac KS et interpelle le MUL à l'évidence :) Livingstone est là pour quelques jours, on discute un petit moment, très sympathique.
Et puis c'est la descente sur les Oulettes de Gaubes, vallon auquel la Pique Longue dévoile toute sa hauteur. Vraiment impressionnant.
Entre le Col d'Arratille et le Col des Mulets, je croise pas mal de ... monde :)
La descente sur le refuge de Wallon est très agréable, vraiment le genre de paysage que j'adore: des montagnes tout autour, de l'herbe assez rase et du caillou, quelques conifères parsemés. L'endroit idéal pour faire une pause douche/lessive/séchage et engloutir un paquet de palets bretons!
Vu que mon slip est en train de sécher, il devient indispensable de m'occuper du trou qui s'agrandit chaque jour sous le zip de mon pantalon. ça doit rappeler des souvenirs à certains...
Le refuge Wallon est aussi placé dans un cadre idyllique, mais ça grouille de monde. Très sympa par contre à faire en famille, avec possibilités de bivouaquer tout autour.
J'attaque finalement vers 17h30 la dernière montée de la journée, col de la Fache. C'est dur cette fin de journée, mais j'arrive à trouver un bon rythme. Par contre, une fois en-haut, plus de forces pour grimper à la Fache. J'hésite vraiment à rester dormir ici, avec vue dégagée sur les Balaïtous, l'Ossau au second plan, et tout au fond, il me semble, le pic d'Anie.
Il est 19h, je me décide à avancer. Je fais le bon choix, car la descente est rude: chemins raides et glissants, ruisseaux à traverser, et surtout, gros névés pentus déversant dans de l'eau pas très chaude, qui auraient été gelés demain matin. Il y a des traces fraîches de crampons 12 pointes, mais la neige est bien fondue en cette fin de journée et je passe sans matériel spécial.
20h, du monde est installé autour de l'Ibon de Campoplano. Une source coule à quelques mètres, allez, je pose le camp aussi dans le soleil couchant, la Grande Fache en arrière plan à droite.
Petite anecdote émotion: alors que j'arrive sur Campoplano, je passe à 3m d'une vache qui crit au désespoir. Elle continue alors que j'ai déjà fini de monter l'abri, tout en s'avançant. J'entends alors des réponses et vois arriver son veau, tout boiteux. J'assiste aux retrouvailles, quelle belle nature :)
Purée et dodo.
Parcours: 27km, 2200m D+, 2000m D-
Jour 16
La température est descendue petit à petit durant la nuit, au point de me faire fermer le quilt pour rester bien au chaud. Effectivement, ce matin le thermomètre indique 1°C sous l'abri. Dehors, tout est givré. Pti dej les pieds sous le duvet et je file, bien couvert, rejoindre Respomuso, où je fais le plein d'eau (captage en aval du chemin, pas besoin de descendre jusqu'au refuge).
J'ai un peu de mal à trouver le chemin qui monte aux lacs d'Ariel. Il faut descendre jusqu'au barrage, à main droite, des inscriptions bleues sur un rocher indiquent qu'il faut suivre le petit muret qui part à flanc. Chemin facile, jusqu'à arriver au lac d'Ariel, face au Palas.
Un névé piégeux borde le lac. Il a l'air traître comme ça, mais vu l'épaisseur et la dureté de la neige, je pense qu'il tient encore. J'ai pas testé :p
Montée raide jusqu'au col d'Arrémoulit et redescente jusqu'au lac.
Re-plein d'eau au refuge avant d'aborder le passage d'Orteig, qui n'a de difficile que ses cailloux lissés par les passages répétés. Y'a quand même du gaz dessous!
Longue descente vers le cailloux de Soques, où je récupère vers 13h ma troisième dépose! Elle est dans un état impéccable, mis-à-part le saucisson qui, coupé en grosse rondelles et resté enfermé pendant un mois avec le fromage, commence à être sacrément barbu. J'enlève la peau, ça le fera. Gros festin.
Je repars vers 15h bien passées, pas encore réveillé de ma sieste qui a duré un peu trop longtemps! Direction le pays d'Ossau, avec ses chardons bleus!
Refuge de Pombie, Col de Peyreget, l'Ossau est tout prêt, il donne envie d'y monter. Mais ce sera pour une prochaine fois. J'avance.
J'avais prévu de bivouaquer à la cabane de Cap de Pount, mais elle est habitée par des bergers (d'ailleurs, moutons, chevaux, vaches et cochons gambadent en liberté tout autour, l'idylle!).
Il fait encore très beau, j'avance jusqu'au Col des Moines où je me pose vers 20h30, pour profiter du coucher de soleil sur l'Ossau en mangeant. C'est magnifique. J'aimerais partager ce moment de bonheur. La liberté de la randonnée solo se paye aussi par quelques moments de solitude...
21h, le soleil est couché, je me remets en route. La suite du programme est essentiellement de la route (de Astun jusqu'au Col du Somport). Alors autant faire ces quelques kilomètres de nuit, à la lumière de la lune presque pleine, à la fraîche et sans les voitures.
Je rejoins Astun en une demi-heure, à la lueur du crépuscule, puis le Col de Somport, alllumant ma loupiote dès qu'une voiture passe. Puis la lune se lève, illuminant ma route jusqu'au parking de Sansanet. Oula! Mais c'est qu'il fait froid et humide ici! Pas l'idéal pour bivouaquer. Je continue 15min sur la piste jusqu'aux terrains bien dégagés entourant la cabane d'Escouet. L'air ici est chaud et sec, il est 23h30, je suis bien content d'enfin me coucher, à la belle étoile.
Parcours: 38km, 2000m D+, 2700m D-
Jour 17
Pendant la nuit, alors que je changeais de côté (bruyamment... le tissu de mon sac de couchage n'aidant pas ...), un chien non loin de moi s'est mis à aboyer. Heureusement il n'est pas venu m'embêter. Mais ce matin, j'entends le berger appeler ses brebis pour la traite. Je remballe tout sans prendre le temps de déjeuner, de peur de me retrouver sous peu avec les moutons... et les chiens. Je papote avec le berger en question, avant d'aller rejoindre Espélungère. Pause obligatoire aux framboisiers!
N'ayant pas eu beaucoup d'eau pour la nuit et ce matin, je fais un crochet au-dessus de la cabane Grosse pour remonter un ruisseau jusqu'à sa source, histoire de tenir jusqu'au prochain point d'eau: le refuge d'Arlet!
La portion jusqu'au col de Saoubathou est très agréable, beau relief et florissante, avec l'Ossau toujours présent. Pause repas peu après le col de Saoubathou au niveau d'une source, une des dernières avant d'attaquer les crêtes.
Je tire un peu trop haut et me retrouve au pic de Burcq. Petit point sur la suite du tracé.
Plutôt que de redescendre sur le col de Pau, je choisis de couper dans les pentes herbeuses sud-est, moins raides et plus directes. Et comme souvent, dès qu'on sort de la trace, on tombe sur des animaux :)
La descente est sèche, la remontée sur l'Ibon de Acherito aussi. Quelques sources qui coulent au-dessous du lac, mais des traces de vaches, je passe. Rinçage au lac avant de rejoindre la crête.
Mon plan initial était de descendre à la cabane d'Ansabère, et monter au pic du même nom par le col de Pétragème, puis rallier Belagua par la Sierra Longa (voir la HRP de René94). Mais le sommet n'a pas l'air si intéressant. Par contre plus loin, la Table des Trois Rois a de la gueule. L'idée est donc d'aller chercher le col d'Esqueste (ou Port d'Ansabère) sans trop descendre. Je reste donc sur les crêtes. Au pied du pic de la Chourique, il y a une cabane de chasseur en pierre , toute petite mais suffisant pour dormir à deux, à même le sol.
La descente sur le col de la Chourique n'est pas évidente. Je jette un oeil côté français: pente herbeuse, raide. Côté espagnol, un couloir, raide aussi, gispet et éboulis, mais ça a l'air de passer mieux. Clairement un coin à isard.
Ça attaque sévère au début dans l'herbe avec de bonnes marches, puis on continue dans les éboulis. Il faut tirer à droite dès que possible pour rejoindre une sente (d'isards?) pas très large mais bien marquée qui rejoint le col de la Chourique en 5 min. Passage sous le Pic de Pétragème, remontée vers le col de Pétragème sur 50m D+ avant de couper à droite dans les éboulis sous les aiguilles. Elles sont d'ailleurs super impressionnantes.
Je continue en niveau dans les éboulis, raides et pas très stables, je me rétame à deux reprises. On rejoint finalement le chemin qui monte au col d'Esqueste, juste avant le creux où loge un beau névé. Je n'ai plus beaucoup d'eau, la montée est dure, je trouve enfin un névé qui coule juste avant d'arriver au col. Je mets 15 min à récupérer 1L, il me faudra certainement tenir jusqu'à Belagua avec ça.
La fin de journée est dure (il est presque 20h), cette eau me redonne un peu de forces, je me remotive un coup pour attaquer les 300 derniers mètres d'ascension. Le terrain (cairné) est ludique, d'une terrasse à l'autre ça monte raide, je suis assez vite sur la table.
La vue est prenante, on domine la vallée envahie de nuages, vraiment un sommet qui vaut le détour. Surtout pour ce qui m'attend!
Cette portion dans le lapiaz, j'avais hâte d'y être. C'est incroyable ce que la nature peut sculpter. Je descends dans cet océan calcaire, seul au monde, le soleil en train de se coucher. Je saute par-dessus des gouffres de plusieurs mètres de profondeur, file de cairn en cairn, pressé par la lumière descendante et par la soif.
Je cours rejoindre le GR12 qui me mènera à Belagua. L'essentiel est d'y arriver tant qu'il fait jour, quitter cette zone périlleuse pour pouvoir poursuivre de nuit sur un chemin bien balisé. La vue est magnifique, le soleil est en train de tomber sur l'océan, caché sous les nuages. Je peux voir les derniers sommets Pyrénéens, et presque le bout du chemin. Instant magique.
J'atteins le GR12 à 21h, le soleil vient de se coucher. Le terrain n'est pas évident, même si je suis sur le GR, le terrain reste très caillouteux. La prochaine source sur ma carte est à environ 4km.
Je rentre dans le mode nuit: mes sens s'affinent pour capter la moindre lueur et rester alerte au moindre son; mes muscles et mes articulations se détendent pour sentir le sol et corriger mes pas mal placés. 21h30, la nuit s'invite, j'installe ma lampe de poche sur ma casquette, intensité minimum, concentration maximum.
Il n'y a personne. Pas un humain, pas un animal, pas une habitation. Sans eau, il n'y a pas de vie. Arrivé aux environs de la source des isards, je n'entends rien. Je tourne quelques minutes, en vain. Je dois donc rejoindre Belagua ou me passer de repas ce soir. Non, je continue. Par chance le chemin devient un peu plus praticable, traversant des forêts. Nuit d'encre. A plusieurs reprises je perds le sentier et dois revenir sur mes pas avec plus de lumière.
Vers 23h30 j'arrive enfin sous la route qui mène à Belagua, au bord de laquelle se trouve une source. J'escalade une butte piquante pour y accéder et trouve cette précieuse ressource qu'est l'eau. Je me pose dans un champ à côté pour savourer à la lueur de la lune une grosse soupe de pâtes. Une fois de plus, dodo sous un toit étoilé. Quelle journée! :)
Parcours: 42km, 2300m D+, 2200m D-
Jour 18:
Réveil avec le son des cloches, le temps de prendre un petit déjeuner, je suis rapidement entouré de vaches!
Je lève le camp pour m'arrêter quelques minutes plus tard: mes chaussures n'ont pas apprécié la journée d'hier et il me faut me mettre à la couture. Résultat après réparation:
Je quitte le GR12 pour rejoindre plutôt les crêtes, comme suggéré par la HRP. Mais en fait, le GR12 est très bien tracé et on peut le suivre quasiment tout le temps jusqu'aux Aldudes! Je ne connaissais pas ce tracé avant de partir: il relie les cols en contournant les sommets, permettant de traverser le pays basque en suivant la chaîne des Pyrénées, et en minimisant le dénivelé.
Dans mon contournement, je tombe sur un berger qui ramène ses centaines de moutons!
Je bavarde avec lui, avant de poursuivre sur le GR12 en contournant l'Otxogorri. L'Orhy se dévoile à l'horizon.
Progression un peu longue sur ces crêtes mais dans un paysage très typique: collines vertes et brouillard.
J'arrive enfin au port de Larrau. Là, c'est festival: ma dernière dépose! Retrouvée en parfait état, alors que depuis un mois des centaines de gens sont passés à côté.
Au menu bonus: cassoulet! Posé directement sur le réchaud à alcool, que je remplis d'un tout petit peu d'alcool, je fais réchauffer le fond, je le mange, et je refais chauffer sur le même principe. Un must :D
Je dois au final jeter un peu de nourriture car j'ai trop à manger. J'essaie de refiler des noix de cajou et taboulé à des personnes, personne n'en veut. Bon, je les porterai jusqu'au bout...
Par contre, pas de poubelle ici: ni l'Espagne et la France ne souhaite venir jusqu'ici ramasser les déchets. Je confie finalement ma poubelle à une allemande de passage, avec qui je discute un petit moment.
Montée à l'Orhy sur la digestion, mais ça va. Le dernier sommet de plus de 2000m est derrière moi! Petite pause symbolique avant de continuer sur la crête d'Alupigna, menant au Zazpigain. En avançant sur la crête, je me retrouve bloqué par une arête. Ce n'est qu'après avoir vu la brèche de Zazpigain sur ma carte que je comprends qu'on peut contourner cette arête par un sentier flanc est.
Je quitte la crête de Zazpigain pour descendre dans le brouillard le long d'un lit de ruisseau vers la ferme d'Ibarrondoa.
Peu avant la ferme, le ruisseau coule, je fais de l'eau. Je rejoins le GR12 en direction du col de Leherra Murkhuillako. Il y a encore de l'eau partout, le ciel se dégage, pause réhydratation!
Au col, vue magnifique sur la mer de nuage qui a inondé la forêt d'Iraty. Les montagnes se font rares, j'approche de l'océan!
Je dois rejoindre le col d'Oraaté, en face, quelque part dans le brouillard. 19h30, j'hésite vraiment à rester dormir ici... mais je me décide à traverser ce vallon ce soir. Je suis donc le GR12. Il se trouve que le balisage est contradictoire avec ce qu'indique mon topo GPS, qui à l'évidence, mène au bon endroit. Je suis le balisage physique et me retrouve devant un fléchage dont aucun nom ne me parle. Un chemin semble aller dans la bonne direction, mais la nuit arrivant, je fais demi-tour pour aller prendre le chemin indiqué par mon topo. Une bête piste visiblement peu empruntée, qui m'amène jusqu'au fond de la vallée, où je retrouve le nouveau balisage du GR12. La piste que j'ai empruntée devait être un ancien GR car j'ai trouvé par endroits des marques rouges et blanches, masquées à d'autres endroits. La direction à suivre depuis le haut est en fait "Azpegi".
Je rejoins le col d'Oraaté dans le brouillard, en empruntant la route plutôt que le GR12, ce dernier étant beaucoup plus direct mais sombre et humide (fôret + brouillard + crépuscule). Je pose l'abri au col alors que la nuit est presque noire et le brouillard bien installé.
Parcours: 34km, 1600m D+, 1900m D-
Jour 19:
Quelques chiens sont venus aboyer à côté cette nuit, mais sans me déranger plus que ça. Je lève le camp après un déjeuner succint, n'ayant pas trouvé d'eau hier soir. Brouillard toujours très dense.
Direction Azpegi, GR12, qui fait trace commune avec la HRP.
Puis je quitte le GR12. La descente vers le vallon qui permet de remonter au col d'Erozate est glissante, pas super agréable. Toutes les sentes vont dans le sens contraire au mien, impossible d'en emprunter une sur plus de 5m!
Au col d'Erozate et peu avant, je rencontre un anglais et un couple de français, qui en sont à leurs débuts sur la HRP. Ils trouvent les mots pour me remonter le moral (déjà pas très haut): ça fait 4 jours qu'ils ont du brouillard tous les jours (j'avais prévu 3 jours)!!!
Eh beh mon vieux, y'a-t-il vraiment un sens à continuer avec cette météo? me dis-je. Le plus intéressant est derrière moi, devant moi m'attendent principalement des pistes et des routes. Sans compter les soi-disant "chemins" dans les fougères détrempées (je pense qu'on peut éviter cette galère en suivant le GR12 depuis le col d'Oraaté)!
Je suis coincé dans le brouillard, je ne prends pas de plaisir, alors que d'ici 3h, ma famille sera réunie pour célébrer l'anniversaire de mon neveu, et le mien si j'avais été là! Encore 3 jours, peut-être dans ces mêmes conditions! Je continue d'avancer, mon moral dégoulinant avec l'eau de mon pantalon dans mes chaussettes...
Depuis ce matin, j'ai attendu qu'il arrête de pleuvoir pour déjeuner, mais ça n'a jamais stoppé. La faim prenant place, je fais une pause, toujours sous la pluie, à la fontaine peu avant Etzangio.
Faisant dos au vent, je croyais rêver en sentant une douce chaleur dans mon dos, alors que le ciel restait totalement bouché. Mais non, le soleil pointe son nez pour quelques instants, me laissant l'espoir d'une journée pas si terrible.
Passé le col d'Arnosteguy, je rejoins le chemin de St Jacques dans la grisaille. Je passe tout d'un coup d'un chemin désert (croisé 3 personnes en 3 heures) à une autoroute. Mais le fait de discuter un peu avec des marcheurs, curieux de savoir d'où je viens et ce que j'ai sur mon dos, me redonne un peu de force. Avec ça, le soleil semble avoir percé pour de bon le plafond nuageux (je suis en Espagne...)!
Je me décide à accélérer pour en finir aussi vite que possible. Je prendrai d'ailleurs peu de photos cet après-midi. Courte pause au Port de la Ibañeta pour manger et faire sécher mes pompes avant de me remettre en route. J'arrive à 16h au Col du Lindus, proche de là où je voulais dormir ce soir. C'est bon, je poursuis jusqu'au Aldudes, ça sera l'occasion de me prendre une bonne douche au gîte!
Peu avant d'arriver aux Alduldes, j'arrive sur un chemin assez large mais dans un dévers, entouré d'épaisse végétation. Un poulain se tient seul au milieu du chemin, 20m devant moi, sa mère en contre-bas ne m'a pas entendu. Je l'interpelle et l'effraie, elle accourt rejoindre son poulain et ils se mettent à fuir dans la direction dans laquelle je vais. Forcément, je les poursuis, ils ne dévient pas, je continue jusqu'à ce que la mère quitte le sentier en me laissant rattraper son poulain, incapable de s'éloigner du sentier. Elle regarde la scène d'au-dessus, d'un oeil inquiet, hennit, je la dépasse. Je suis entre elle et sa progéniture maintenant figée, me regardant sans trop savoir que faire. Je me décale alors un peu hors du sentier pour lui laisser la place de passer à côté de moi (1.5m) et rejoindre sa mère plus loin. Ouf!! C'était une belle séquence de regards pleins d'émotions.
Finalement j'arrive aux Aldudes, 19h30, et passe voir les tarifs du gîte. 42€ à deux avec petit-dej, ça va, mais 30€ seul! Bon, c'est hors budget, tant pis pour la douche, je fais le plein d'eau potable et monte bivouaquer au col d'Argibel. La lumière baisse, j'ai à peine le temps de monter la tente que la pluie s'invite. Bon timing :)
Je ne suis plus qu'à 2h de marche d'Elizondo, il ne me reste qu'environ 60km à parcourir jusqu'à Hendaye. Avec la détermination de couvrir toute cette distance demain, je mange un maximum ce soir pour être le plus léger possible.
Parcours: 45km, 1800m D+, 2100m D-
Jour 20:
Ce matin le temps est bien dégagé. Je suis le GR11 d'un pas express, sans manquer bien sûr de me rétamer: dans un sentier de terre et de pierre, j'arrive lancé dans un virage pentu, j'ai beau freiner des quatre fers, voir la chute arriver, je ne peux plus rien faire, je m'étale dans la boue. Je m'offre quelques mûres pour calmer mes bobos.
J'atteins Elizondo en 2h, la brume ne s'est pas encore levée.
Pause déjeuner, je m'allège encore avant ma dernière longue ascension. Plus loin à un croisement, quelques poneys regroupés autour d'une fontaine me rappellent qu'il me faut faire de l'eau.
Je m'approche de la fontaine et ils me suivent. Pas bêtes eux, ils profitent d'un système de bacs en cascade pour boire l'eau qui coule à côté. Je leur donne un peu plus à boire.
Le GR11 continue de monter dans les champs, tantôt sur une piste, tantôt sur un chemin raide et étroit. Et puis au détour d'un virage, sur la piste contournant l'Atxuela, apparaît... un bunker. Non, ce n'est pas lui le plus important, c'est la Rhune, l'océan qui s'étend derrière, et Hendaye, ma ligne d'arrivée. C'est d'autant plus fort que je ne m'y attendais pas. Je savoure ce moment quelques minutes.
La suite est sans grand intérêt, beaucoup de piste. Je traverse les palombières d'Etxalar alors qu'une battue est en train de se mettre en place: une trentaine de 4x4 bouchonne sur cette piste, 1 personne par véhicule. Vous connaissez le covoiturage?
Je ne monte pas jusqu'à la Rhune, à la place je descends quelques centaines de mètres sur la route de Bera avant de virer à droite sur une petite route de campagne vers Casa Rural. Ne pas prendre à gauche le chemin en béton qui monte raide, je me suis fait accueillir par deux molosses qui ne m'ont pas laissé passer (de toute façon, je m'étais trompé). Je rejoins la HRP sous la Petite Rhune.
18h, la pluie se met à tomber alors que j'atteins le col d'Ibardin et le GR10. Je ne m'attendais pas du tout à voir un village commercial ici. Une sorte de Perthus miniature, avec tous les français en vacances sur la côte basque venus faire le plein ou acheter du linge basque pas cher! Voyant mon plan de ce soir (pizza sur la plage!!!) tomber à l'eau, je rentre dans un magasin chercher du chocolat, histoire de me motiver pour les dernières heures de marche sous la pluie.
Une noisette boostée au Toffee, ça avance tout seul! J'en ai enfin fini avec les montées, je dévale sous la pluie tête baissée, la levant quand même de temps à autre pour vérifier que je vois toujours du rouge et du blanc. C'est toujours bon. Enfin, c'est ce que je croyais. Je me retrouve dans un endroit qui ne me dit rien du tout. Je sors la carte: j'arrive sur Biriatou, pas du tout au bon endroit. Pourtant, il y a avait toujours du rouge et du blanc (et un peu de jaune, j'avoue). My bad - avec la pluie et la précipitation, je n'ai sorti ni la carte, ni le GPS qui avait les piles faibles. Mon détour m'a fait perdre 45 minutes. Pour autant, faut dire que les indications ne sont pas claires!!
Après 3h de marche arrosée depuis Ibardin, j'arrive à l'entrée de Hendaye. La pluie s'est calmée, le soleil est en train de se coucher, l'océan m'attend. J'ai maltraité mes pieds dans ma marche pressée, mais j'y suis. Encore une demi-heure, et je touche le sable, le bout. Hendaye n'est pas très accueillant, encore moins de nuit et sous la pluie qui reprend.
Mais j'ai la banane :) J'ai relié les deux mers, en moins de temps que je ne le pensais, et en prenant un max de plaisir. Il ne me reste plus qu'à rejoindre le camping avant de prendre une bonne douche et profiter d'un repas chaud... sous la tente. Demain, lever avec le soleil pour aller attraper mon train à l'autre bout d'Hendaye!
Parcours: 61km, 1700m D+, 2600m D-
Capuche à l'ouest :)